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Vers des soins centrés sur le patient, dans un monde numérique post-Covid-19

Cet article aborde la question des soins centrés sur le patient, au regard des pratiques qui ont émergées pour rendre ce principe opérationnel, de la manière dont les organisations actuelles abordent la question, et de la suite à donner pour poursuivre dans ce domaine.  

L’évolution de l’approche centrée sur le patient

Il y a près de vingt ans, l’Institut de médecine (IOM) publiait un rapport qui soulignait que de nombreux progrès avaient été réalisés dans le domaine des soins de santé, mais que des améliorations étaient encore nécessaires sur les compétences et innovations humaines, qui reconfigurent les relations de soins et la façon de « prendre en charge » les patients. Le rapport mettait en avant six efforts d’amélioration essentiels pour que les soins de santé atteignent leur plein potentiel : un tel système devait être sûr, efficace, centré sur le patient, opportun, efficient et équitable. Quelques années plus tard, le Picker Institute a produit un rapport qui identifiait des dimensions pragmatiques sur lesquelles les organisations de soins se devaient de travailler pour développer une pratique centrée sur le patient. Presque 20 ans après l’IOM, nous aboutissons à l’approche actuelle de l’expérience patient, qui en a été grandement influencée. En particulier, l’épidémie de COVID-19 a attiré l’attention sur un certain nombre de manques préexistantes, que le caractère aigu du contexte a rendu plus évidentes. L’article se propose de revenir sur certains de ces manques et de proposer des actions pragmatiques, qui permettent à chaque organisation de soins de répondre à son niveau à ces enjeux cruciaux permettant d’évoluer vers une pratique réellement centrée sur le patient.

Répondre à l’insatisfaction systématique

Les facteurs influençant positivement l’expérience vécue par le patient correspondent en grande partie à la communication entre le patient et l’équipe, et à leur participation dans le plan de soins.  

A contrario, les facteurs qui influencent négativement l’expérience vécue par le patient correspondent en général à un manque dans les domaines suivants :

  • Facilité d’utilisation :
    • Accès aux informations, aux professionnels et aux services :
      • L’accès aux données à travers un portail pour le patient reste limité. L’avantage des portails est que les patients peuvent effectuer certaines tâches quand ils le souhaitent : demander des renouvellements, ou fixer un rendez-vous sans avoir à réaliser un appel téléphonique. L’attente moyenne pour un rendez-vous pour un nouveau patient était de 24 jours dans une grande zone métropolitaine. Or, les préférences des patients en matière de soins primaires montrent que l’attribut numéro 1, en 2014 et 2019, est la possibilité d’être pris en charge sans rendez-vous, et d’être assuré d’être vu dans les 30 minutes.
      • De plus, les patients attendent presque systématiquement lors de leurs consultations. Face à une attente sans explication, le cerveau va créer une interprétation : pour les patients, ce peut être “ils ne se soucient pas de moi” ou “ils ont oublié que j’étais là”.
    • Accès économique
      • Selon une étude des Affaires de la santé de 2017, 52 % des patients ne connaissaient pas le prix du service avant de recevoir les soins. Dans plusieurs systèmes de santé, ceci peut être un facteur de grande anxiété et de frein en termes d’accès aux soins et de recours pour les patients. Développer une politique claire de tarification et d’affichage de ces informations de manière compréhensible pour les patients devient dès lors un enjeu. Les hôpitaux et personnel de santé n’iront jamais au-delà des attentes des consommateurs de santé tant que les coûts ne seront pas transparents pour les patients.
    • Réactivité : Il faut ici comprendre la capacité à répondre aux attentes des patients de façon efficiente et structurée. Ceci passe, pour les établissements par le développement de mesures et leur suivi, en choisissant des indicateurs qui traduisent des réponses concrètes aux motifs de recours (par exemple : temps jusqu’au traitement plutôt que temps jusqu’au rendez-vous)
    • Sécurité :
      • La participation des patients à la sécurité peut se traduire par le recueil d’éléments auprès de ceux-ci, la discussion et la reconfiguration des services à partir de ces mesures, comme dans le cas des PROMs par exemple.
      • La décision clinique partagée est aussi une autre façon d’impliquer
      • Enfin, lorsque des erreurs se produisent dans un système hospitalier, la transparence est essentielle. La divulgation de l’événement aux patients et aux familles en temps utile est connue pour réduire les poursuites judiciaires et renforcer la confiance.
  • Travail en équipe :
    • Des expériences innovantes, comme l’inclusion des patients dans les staff journaliers, réalisés au pied du lit, permettent de prendre en compte ses préférences et les inclure dans le plan de soin. Avec l’épidémie actuelle, une partie importante des traitements antérieurement réalisées à l’hôpital a été disloquée à la maison et il est important de reproduire ce type de décision collégiale dans les nouvelles formes d’organisation des soins
    • À la Cleveland Clinic, il a été observé que lorsque l’équipe soignante dans sa globalité (médecin et soignants) et le patient sont réunis pour discuter du plan de soins, les enquêtes de satisfaction des patients montrent une amélioration très significative. Ce n’est pas un concept nouveau, mais la prise en charge multidisciplinaire est un bon exemple de ce qui est promu, mais ne se produit pas encore systématiquement.
  • Empathie :
    • Un profond intérêt quant à l’état émotionnel d’une personne, nécessaire à une connexion empathique, est fondamental pour que les patients se sentent pris en charge. Ecouter les souhaits des patients et personnaliser leurs soins est important.
    • Il est important de noter que la majorité des enquêtes ne pose pas de questions directes quant à l’expérience d’empathie ressentie par les patients ; cela est relaté au travers des patients -ou des soignants en tant que patients- et les enquêtes doivent évoluer pour questionner sur ce paramètre.
    • Des éléments de progrès identifiables : l’expression de mots qui montrent au patient l’importance qui est accordée à son état de santé et aux résultats des soins qui lui sont prodigués, la personnalisation du type de demandes qui peut (ou ne peut pas) être faite au patient et la structuration des parcours de soins dans les situations de fin de vie sont des marques de cette empathie qu’il est nécessaire de promouvoir

Sur la base des lacunes identifiées dans les approches de soins centrées sur le patient, une nouvelle approche de mesure audacieuse est proposée afin de saisir de manière holistique l’expérience du patient, qui comprend des sujets tels que l’accès, le partage de la prise de décision et la sécurité, le partenariat avec les patients, l’empathie et les soins personnalisés. Il est proposé dans cette approche d’associer les commentaires subjectifs des patients à des mesures objectives, de sorte qu’au lieu de rechercher des scores basés sur la perception, il soit possible de démontrer les réalisations opérationnelles, qui font réellement progresser une organisation vers des soins centrés sur le patient.

Depuis la Covid-19, et grâce aux plateformes et applications virtuelles qui ont été mises en place entre les cliniciens et les patients, le fait de toucher physiquement ou émotionnellement un patient est en légère diminution. Mais il est nécessaire de construire un avenir au sein duquel cela est réalisé, et ce dès maintenant. Ensemble, avec ou sans Covid-19, il s’agit de révolutionner les soins centrés sur le patient pour créer des soins centrés sur la personne.

Source: Adrienne Boissy, MD, MA. Getting to Patient-Centered Care in a Post– Covid-19 Digital World: A Proposal for Novel Surveys, Methodology, and Patient Experience Maturity Assessment

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